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La danse-thérapie, c’est de la danse libre ?

Dernière mise à jour : 9 déc. 2023




Il arrive fréquemment que des personnes s’inscrivent à mes séances de danse-thérapie en groupe avec l’idée qu’elles vont faire de la danse libre, qu’elles vont être dans le lâcher-prise exclusivement. Or, même si mes séances de danse-thérapie visent à favoriser la libération de l’expression par le corps, ce n’est pas leur seule visée. L’autre objectif important de mes séances est la structuration psychocorporelle, qui se travaille par d’autres moyens que la danse libre.


Mais d’abord, la danse libre, qu’est-ce que c’est ? C’est un courant chorégraphique initié au début du XXe siècle par Isadora Duncan (1877-1927), et basé sur la recherche des mouvements naturels du corps en dehors de tout formalisme. Il vise à délivrer le corps de toute contrainte et prône un retour à la nature. Ce courant a marqué les débuts de la danse moderne, et est toujours pratiqué aujourd’hui sous différentes formes.


Alors qu’est-ce qui différencie la danse-thérapie de la danse libre ?


Un petit rappel d’abord de ce qu’est la danse-thérapie : une approche d’accompagnement par le mouvement qui favorise la mise en route du processus créatif.


Les rôles du danse-thérapeute sont multiples pour répondre à cet objectif :


· Il contient : le danse-thérapeute propose un cadre sécurisant et bienveillant, dans lequel chacun peut s’exprimer librement et sans craindre le jugement. Il reçoit les émotions, réactions, et fait en sorte qu’elles ne submergent pas les participants. Il contient le groupe en fixant des règles d’écoute et de bienveillance. Il est lui-même cadré, par un code de déontologie, et par ses superviseurs, pour garantir la solidité du cadre qu’il vous propose. La garantie de ce cadre est une spécificité de la danse-thérapie.


· Il accompagne : le danse-thérapeute propose des outils, des consignes de jeux ou d’exercices qui sont des jalons sur lesquels s’appuyer pour trouver sa propre expression. Il accompagne chaque personne au sein du groupe, et le groupe lui-même, tout en laissant à tout moment et à chacun la liberté de dévier des consignes ! En cela, ses propositions peuvent parfois s’approcher de la danse libre. Mais le danse-thérapeute fera toujours en sorte que les participants soient assez cadrés et guidés pour ne pas se sentir « en panique » face au mouvement. Dans mon cas par exemple, lorsque des gens viennent me trouver car leur problématique est qu’ils se sentent incapables de danser, et que cela les angoisse au quotidien : hors de question de leur mettre de la musique et de leur dire de « se laisser danser », ou de « lâcher-prise » ! Dans ces cas-là, je propose dans un premier temps des mouvements à imiter, ou des exercices avec des consignes très fermées visant à rassurer et à offrir un cadre très contenant.


· Il propose des expériences structurantes : ses propositions visent à structurer l’étayage corps/psychisme. Pour ma part, j’oriente mes propositions vers une meilleure organisation du schéma corporel (par un travail de proprioception, un travail sur l’espace, le temps, le flux, par exemple), pour aller vers un mouvement libérateur, mais aussi structurant, qui favorise l’articulation corps / mental. Je peux pour cela passer par le travail de composition chorégraphique, qui requière de la réflexion, de la mémorisation, des choix esthétiques. En cela, la danse-thérapie est très différente de la danse libre. Cela peut d’ailleurs déstabiliser certains participants à mes séances, qui ne s’attendent pas à devoir « revenir au mental », alors qu’ils attendaient un « lâcher-prise » total ! Mais comment la danse-thérapie pourrait être efficace si elle ne faisait pas intervenir le mental ?


· Il offre son regard : le danse-thérapeute est attentif à la façon dont chacun s’approprie les outils, entre dans le processus créatif. Il est sensible à chaque réaction, chaque commentaire, à tous les signes qui lui sont envoyés. Son objectif est de vous accompagner au mieux grâce à ce regard, sans jugement.


· Il s’accorde : Le danse-thérapeute s’accorde par son corps tout d’abord : il utilise tous ses capteurs sensoriels pour se mettre au diapason des participants. Il peut par exemple, accorder son mouvement à celui d'un participant, dans des exercices « miroir » pour entrer en empathie avec lui. Ces exercices sont parmi les premiers que je peux utiliser quand je rencontre de nouvelles personnes : ils permettent un accordage mutuel entre le thérapeute et le participant. Et le danse-thérapeute accorde également ses propositions à ce qu’il observe, ce qu’il ressent pendant la séance, mais aussi à ce que lui disent les participants. Il est comme un musicien qui réaccorde constamment ses instruments !


A mon sens, la danse libre n’est pas accessible à tous, contrairement à la danse-thérapie. Par exemple, une personne qui ne s’est jamais sentie capable de danser, et chez qui cela génère un mal-être, ne pourra pas aborder directement la danse libre. Elle aura besoin d’être guidée, cadrée, entourée et sécurisée grâce à des exercices n’impliquant pas dans un premier temps l’improvisation, ou alors de façon très guidée. Autre exemple : les personnes qui se sentent « fragmentées », « coupées eu deux », « avec une zone morte au milieu », "sans communication entre le bas et le haut du corps"… sont nombreuses à faire appel à mes séances de danse-thérapie. Là encore, une danse libre ne permet pas ce travail de structuration du schéma corporel, qui passe par des exercices très spécifiques issus de différents courants de la danse thérapie. Pour ma part, pour aborder ces problématiques, je me base principalement sur la méthode élaborée par Irmgard Bartenieff (1900-1981), qui propose des exercices très intéressants pour rétablir le schéma corporel. Mais cela fera peut-être l’objet d’un prochain article !

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